Les Examens au Cameroun : pour qui sont ces résultats qui surprennent, même les correcteurs ?

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Éduquer, de son origine latine educare, qui signifie élever, faire sortir, instruire, consiste à développer chez l’enfant, le maximum de potentiel lui offrant assez de chance pour son épanouissement, son insertion sociale. Cela étant, il est logiquement incompréhensible voire irresponsable que l’échec soit la règle pour un éducateur, dès lors que tout est mis en œuvre pour faire sortir l’enfant de son ignorance. Seulement, au vu de l’environnement actuel des milieux d’apprentissage, des conditions de vie et de travail des enseignant(e)s, on est en droit de demander, d’où viennent ces résultats dont les taux de réussite depuis quelques années, courent assidument vers le 100 % ?

La loi d’orientation de l’éducation de 1998, fruit des états généraux de l’éducation de 1995, dans ses visées, proclame entre autre que : « la culture…de l’effort et du travail bien fait, la quête de l’excellence… » sont les socles de l’éducation de nos enfants. Or, depuis quelques années, on s’éloigne du temps où le passage d’une classe à une autre, la réussite à un examen, requérait au moins 10/20 de moyenne. Après la génération des neufs forts (9.50), on est aujourd’hui à 8/20 ; d’autres ‘‘ ennemis’’ de la république parlent même de 7/20.  Notre inquiétude serait de trop, si tous les détenteurs de ces généreux diplômes, une fois à l’œuvre, justifiaient leur parchemin. Nous avons encore en mémoire, l’image de ce fondateur d’établissement scolaire qui, devant son secrétaire à l’éducation comme pour le prendre à témoin, brandissait une demande d’emploi à la fonction d’enseignants de français, d’un diplômé du supérieur qui, manifestement, avait de sérieuses difficultés avec la langue qu’il voulait pourtant enseigner. Malheureusement, ils sont nombreux, ceux dont les écrits et l’expression font douter de leur niveau véritable. L’enterrement des épreuves orales au Baccalauréat au cours des années 90, sous le bon prétexte de lutte contre la fraude et autres indélicatesses qui s’y passaient, a précédé en 2000, des promotions collectives dans l’enseignement primaire : ne peut reprendre une classe que l’enfant dont le parent refuse la forfaiture. Quand on sait que le succès et l’échec sont deux réalités de notre existence, on est étonné de cet engagement à inventer un monde où tout le monde réussi, même sans efforts. Quel enseignant au Cameroun peut-il encore aujourd’hui, oser parier sur les résultats des enfants qu’ils forment pendant l’année pour un examen ?

Même les correcteurs adviennent à être surpris des résultats qui sortent des délibérations. Tout porte à croire, que des laboratoires spécialisés en production des résultats flatteurs pour les parents naïfs et les élèves paresseux, travaillent assidument chaque année pour trouver les taux de réussite qui démontrent la bonne marche des choses, l’inefficacité de tout ce qui logiquement, est de nature à compromettre la qualité des apprentissages. Les faits de cette année finissante sont là, pour prouver le choix opéré par les dirigeants politiques, qui ont décidé de ravir la vedette aux enseignants. La réduction du temps des cours pour cause du déroulement de la coupe d’Afrique des nations de football, suivi de plus deux mois d’arrêt des classes dans les établissements scolaires publics, n’ont pratiquement eu aucun effet sur l’année scolaire 2021/2022. Les taux de réussite d’au moins 70 % , loin de toute logique, ont été servis à la surprise générale. Ce spectacle qui n’est pas sans gêne pour les esprits rationnels, fait jaillir quelques interrogations :

qui cherche-t-on à plaire ? Aux parents ou aux enfants ? Pour quel but et pour combien de temps ?

Quand on sait que le diplôme n’est qu’une présomption de connaissance qu’il faudra justifier après, devant un concours ou un travail, pourquoi créer ces illusions chez les enfants qui auront de la peine à comprendre qu’ils doivent se mettre à la hauteur des parchemins qui leur ont été offerts ? Le sacrilège se poursuivant, peut-on imaginé les dégâts que produiront ses diplômés sans intelligence ni sagesse, dans la société ?

les établissements privés restant les seules entreprises qui s’ouvrent à chaque mètre carré au détriment de la règlementation existante, ces ‘’handicapés’’ vont se reverser Malheureusement en masse dans le métier d’enseignant, sans niveau et sans amours pour se régénérer.

Qui peut confier son enfant à un diplômé sans science, son malade à un médecin sans connaissance ou sa voiture à un mécanicien sans théorie ni pratique mécanique ?

Pourquoi servir un tel personnel à une société qui vous a tout donné ?

Les enseignants, le peu qui existe encore, sont-ils devenus des faire-valoir, des hommes de mains dont on se sert, pour donner un verni éducatif à des projets politiques si bas ?

Pourquoi ce choix pour la médiocrité, la tricherie ?

Pourquoi les faux bons résultats à tout prix ?

Que perdra – t – on en revenant au résultats qui reflètent le niveau réel des apprenants ?

Bien sûre, pas la qualité, mais des privilèges indus, récoltés dans les trafics de toutes sortes, le sous financement de l’éducation qui profite aux secteurs de joie et de plaisir qui aident à abrutir le peuple. Réduit en marionnette, ignorant du moindre de leur droit, il répètera tel des perroquets : L’Etat ne peut pas tout faire ; il sera occupé à célébrer ses illusions, pendant que eux, ils s’adonneront à dilapider les taxes et impôts mis à leur disposition.

L’assiduité avec laquelle les organisateurs de la république s’adonnent à détruire ce qui a fait leur ascension est déconcertante ; ils savent pourtant où il faut toucher :

Dans le concert des nations réunies à Dakar en 2000 lors du forum mondial pour l’éducation, comme les autres pays, ils se sont engagés pour le relèvement du financement de l’éducation à 7 % en 5 ans puis à 9 % du P. I.B. en 10 ans. 22 ans après, atteindre 4% du P.I.B. demeure une gageure. D’ailleurs, au vu de la stratégie nationale du développement 2030, qui fait l’appel du pied aux investisseurs privés dans l’éducation, il y a à redouter l’abandon complet de l’école entre les mains des parents, les commerçants en difficulté dans les quincailleries. Tant pis pour les enseignants ; surtout ceux du secteur privé qui, tels des moutons, suivent docilement leurs maîtres, dans l’espérance d’un salut qu’ils attendent venir de tout le monde, sauf d’eux-mêmes. 

Ils savent que les enseignants sont mal payés, maltraités ; vilipendés. Les Fondateurs d’établissement, mieux, les ‘‘ les bienfaiteurs’’ du régime, paient les salaires de 40 000 ; 60 mille frs CFA aux diplômés de l’enseignement supérieur, parfois permanemment vacataires.

Ils savent que les programmes scolaires et les approches pédagogiques sont à revoir.  L’école, un bien Public, deviendra davantage privée. Le forum national de l’éducation toujours en attente, risque aller aux oubliettes puisque les taux de réussite ces dernières années ; témoignent de la bonne santé de notre système éducatif.

À notre avis, il est urgent que les enseignants, fiers de l’être prennent conscience du danger qui menace le SAVOIR. La constitution des syndicats forts, mobilisateurs devient un impératif pour arrêter le massacre, le vernissage de la connaissance, le politiquement correct. Nous avons un devoir moral à promouvoir les valeurs. Se laisser conduire par des ‘‘ malades’’ dans l’abime, au nom de la sauvegarde des intérêts primaires est irresponsable, égoïste ; notre conscience ne nous le pardonnera pas.  Si tant est que, ayant fait l’école, c’est en reconnaissance de sa valeur que nous y sommes comme travailleurs, la sauver est notre devoir.

Disons non aux bons résultats scolaires à tous les prix, oui à la mise en route de tous les moyens et actions nécessaires pour une école qui développe l’humain. Plus tard, sera trop tard.

                                                                                                      NHYOMOG LUC






        

1 COMMENT

  1. Certainement pour les bureaucrates avides de pouvoir qui veulent se blanchir aux yeux de leur maître. Si ce n’est celà, quoi donc?
    Le secteur privé de l’enseignement est, on dirait, vendu à ville prix aux affairés qui se font du beurre en contribuant à la destruction totale du tissu éducatif par le mauvais traitement du personnel entre autres au détriment de la loi.

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